Isohemp lance Recyhemp, premier bloc de béton de chanvre recycle
IsoHemp vient de lancer RecyHemp, le premier bloc de béton de chanvre intégrant une fraction recyclée. Un défi réussi grâce à un investissement de quelque 1,25 million d’euros (dont 450.000 apportés par la Région wallonne). Cet investissement permet d’adapter et de compléter les unités de production de l’usine basée à Fernelmont, dans la province de Namur.
Elles sont peu nombreuses les entreprises qui anticipent de plusieurs années, voire plusieurs dizaines d'années l'incorporation des déchets liés à la fin du cycle de vie des matériaux produits. Cette anticipation, c'est celle qui caractérise la société IsoHemp. Après avoir lancé le bloc de chanvre en 2012, la PME fernelmontoise fondée par le trio Olivier Beghin, Jean-Baptiste de Mahieu et Anthony De Mot vient encore de monter d'un cran son engagement dans la voie circulaire en mettant sur pied une unité de recyclage du béton de chanvre. Une première au niveau européen et même mondial.
Rappelons dans un premier temps ce qu’est le bloc de béton de chanvre. Plébiscité par les partisans de l’écoconstruction, ce matériau est encore peu voire pas connu des acteurs traditionnels du monde de la construction. Dans cette mesure, le terme de bloc de béton mérite quelques explications, car ses fonctions sont en réalité totalement différentes de celles d'un bloc de béton ordinaire. Dans le bloc de béton de chanvre d’IsoHemp, la partie biosourcée composée de chènevotte et de copeaux de chanvre représente près de 80% du volume. La chaux hydraulique et la chaux aérienne nécessaires pour le durcissement du matériau représentent quant à elles respectivement 11% et 9% du total. Ajoutez-y l'eau nécessaire pour que le mélange prenne et vous obtenez un bloc résistant au feu (classification A1 selon la norme européenne EN 13501-1) et totalement produit à partir de ressources naturelles. En fonction des méthodes de calcul, on estime que chaque bloc permet ainsi de capter entre 75 et 100 kilos de CO2.
Performances techniques et environnementales
Les performances du bloc de chanvre ne sont pas seulement environnementales. Sur le plan des propriétés physiques, ce matériau de construction a également de solides atouts dans sa manche. Il affiche une résistance à la compression d'environ 300 kPa et à la flexion de 230 kPa. Evidemment, on est loin des performances du bloc de parpaing qui offre généralement une résistance à la compression oscillant généralement entre 2,5 et 15 MPa. En revanche, le bloc de chanvre coiffe les blocs de béton sur le poteau du point de vue de la résistance thermique R avec des valeurs allant de 1 à 5,1 m² K/W en fonction de l'épaisseur des blocs mis en place. Pour le bloc de béton, on atteint péniblement entre 0,1 et 0,2 m²·K/W pour un bloc de 20 cm.
Sur le plan des applications, le bloc de béton et le bloc de béton de chanvre ne jouent pas dans la même catégorie. Si le bloc de béton excelle dans tous les rôles où l'on attend un matériau irréprochable pour les structures portantes, ce n'est pas le cas du bloc de béton de chanvre. On le retrouvera en revanche dans la construction d'enveloppes d’un bâtiment neuf, avec le système Hempro incluant des blocs pleins, des blocs coffrant, des blocs en U pour poutres de ceinture. Ou encore dans le doublage intérieur des murs existants (pierre, brique, pisé...) afin d'améliorer l’isolation thermique, de limiter les ponts thermiques et d'améliorer le confort. Le bloc IsoHemp performe également lorsqu'il s'agit de cloisonner des pièces car le matériau affiche une capacité d'insonorisation bluffante. Dans les pièces humides, le matériau régulera l'humidité et permettra de diminuer le phénomène de condensation. Enfin, sa résistance au feu n'a franchement pas à rougir puisque dans leur configuration la moins épaisse, les blocs sont capables de résister au feu pendant plusieurs dizaines de minutes (jusqu'à deux heures pour les blocs les plus épais).
Une durée de vie exceptionnelle
A ces particularités, IsoHemp vient d'ajouter un argument fort pour un matériau qui joue la carte du respect de l'environnement et celle de la lutte contre le réchauffement climatique. En se lançant de la mise en route d'une unité industrielle capable de pratiquer le recyclage des résidus de béton de chanvre, la PME contribue en effet à promouvoir un modèle capable de fonctionner de manière circulaire. "Les blocs de chanvre ont une durée de vie qui atteint voire dépasse la durée de vie du bâtiment. Dès lors, on ne sera confronté aux premiers retours de matériaux à recycler que dans plusieurs décennies" explique Olivier Beghin. Dans sa déclaration environnementale de produit (EPD), IsoHemp relève des durées de vie estimées de l'ordre de 60 ans lorsqu'on applique le référentiel de calcul TOTEM pour Tool to Optimise the Total Environmental impact of Materials (*).
Si l'on sort du cadre de cette estimation, IsoHemp table sans prendre de risques sur une durée de vie bien plus longue, et même de l'ordre du siècle et demi s'il est protégé par une finition comme un enduit ou une brique. Soit bien plus que la durée de vie des matériaux conventionnels pour le même type d'application (isolation, cloisonnement…). De nouveau, comme ils l'ont fait en 2012 lors du lancement sur un marché qui ne connaissait pas ce genre de produit, puis avec l'internationalisation et l'implantation d'équipes commerciales sur les marchés français et allemands en anticipant une demande plutôt qu'en y répondant, les dirigeants d'IsoHemp ont donc une fois de plus prouvé qu'ils sont dotés d'un sacré sens de l'anticipation...
La mise en place de l’unité de recyclage
Dans un premier temps, c'est avec les chutes de production que l'usine pourra alimenter son unité de recyclage de béton de chanvre. Il s'agit de ce qu'IsoHemp appelle les rebuts internes issus par exemple des arrêts de ligne, des non-qualités ou des essais obtenus dans le cadre d'opérations de R&D. Leur qualité étant parfaitement contrôlée, ils peuvent être directement introduits sans aucun problème dans le processus RecyHemp. A cette première fraction, s'ajoutent les résidus collectés sur chantier. On parle ici de chutes de chantier. Ici, cela représente quelques pourcents des volumes livrés. Il s’agit de coupes, de surplus ou de blocs endommagés. Dans une ultime étape viendront s'y ajouter les déchets de déconstruction.
Une fois collectés, les matériaux sont réceptionnés en bigbags ou sur palettes stabilisées. Chaque lot est soumis à un contrôle qualité afin de vérifier l’absence de contamination. Après validation, les blocs rejoignent le même flux que les rebuts internes avant d'être broyés. Le broyat est ensuite criblé. Les fractions trop grosses sont renvoyées dans le broyeur. Les particules plus fines peuvent être valorisées directement dans la production de nouveaux blocs ou encore être utilisées pour d’autres applications spécifiques. Le granulat recyclé est ainsi prêt à être réintégrée dans les process d'IsoHemp.
Deux produits finaux intègrent des matières recyclées. Il y a d'une part le HL-Mix, un granulat isolant, dépoussiéré et sec, conditionné en sacs de 45 litres ou en bigbags d’1 m³. Et d'autre part, il y a les fameux blocs IsoHemp avec des granulats recyclés en vrac qui sont donc directement réintroduits dans la production de blocs IsoHemp jusqu’à 5% sans aucune perte de qualité. Si l'intégration de matières recyclées dans les blocs ainsi produits reste pour l'heure relativement réduite (5%), les initiateurs du projet précisent que la durée de vie du produit intégrant cette fraction recyclée n'est pas affectée. On en reste à une durée de vie d'un siècle, sans perte de qualité. "Cet objectif a pu être atteint en réussissant à adapter les unités de production afin de les rendre capables de traiter le chanvre et de séparer le granulat" souligne Anthony De Mot, le directeur opérationnel d’IsoHemp.
Une avancée pour la construction circulaire
Avec cette nouvelle initiative, IsoHemp ajoute donc une dimension résolument circulaire à un produit qui disposait déjà de très beaux atouts dans le registre des matériaux respectueux de l’environnement et qui soit capable de lutter efficacement contre les effets du réchauffement climatique en jouant la carte de l’absorption du CO2 à travers l’intégration de chanvre.
(*) TOTEM est un outil en ligne interrégional destiné aux professionnels du bâtiment (architectes, bureaux d’étude, entrepreneurs, pouvoirs publics, etc.). Il permet d’évaluer et de réduire l’impact environnemental des bâtiments, en particulier en ce qui concerne les matériaux de construction.