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Matériau

Heidelberg Materials produit et commercialise le premier ciment net zéro grâce à la capture du carbone

« Notre objectif, c’est l’absence d’émissions de CO2 », déclare Koenraad Staels de Heidelberg Materials Benelux. « Mais lorsque tous les moyens de pérenniser le processus sont épuisés, c’est la capture et le stockage du CO2 que nous souhaitons mettre en œuvre. » La voie vers la neutralité carbone totale a désormais réellement commencé pour un des plus grands fabricants de ciment au monde. Ce mois-ci, le premier ciment commercial « evoZero » sortira des chaines de production de l’usine d’Heidelberg Materials à Brevik. Ce projet a nécessité 20 années de travail.

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« Il va sans dire que l’industrie de la construction est confrontée à l’énormes défis en termes de durabilité, et que la production de ciment, qui est l’un des processus les plus énergivores, joue un rôle crucial à cet égard », affirme Luc Van Camp, Directeur des ventes chez Heidelberg Materials Benelux. « Cette prise de conscience, ainsi que notre ambition de prendre nos responsabilités, nous animent certainement depuis les années 2000. D’ici 2030, le groupe entend réduire ses émissions de CO2 à 400 kg de CO2 par tonne de ciment. Cela représente une baisse de près de 50 % par rapport à l’année de référence 1990, l’objectif étant d’atteindre la neutralité carbone totale à l’horizon 2050. La feuille de route officielle pour réaliser cet objectif a été dévoilée en 2020. »

Amélioration du processus de production

« Dans un premier temps, nous y travaillons en optimisant nos produits. L'utilisation croissante de pouzzolane, d'argile calcinée ou de particules de béton recyclé (fines) nous permet de réduire considérablement la production de clinker et, partant, notre empreinte carbone. Au Benelux, grâce à cette transition, et parce nous utilisons déjà historiquement des produits plus durables, nous sommes déjà en avance sur ce calendrier. Et nous comptons bien poursuivre sur cette voie dans le futur. Ces fines de béton recyclé présentent en effet un double intérêt. D'une part, elles reviennent à surcycler les débris de béton en tant que flux résiduel, ce qui contribue à l'économie circulaire, et d'autre part, elles ont la propriété d'absorber et de stocker le CO2. La disponibilité de cette alternative n'est toutefois pas illimitée. Tout dépend de la qualité et de la pureté de ces fines. Sur le plan logistique, l'organisation de ces flux résiduels est en outre une tâche complexe. »

« Le passage aux carburants alternatifs et l'amélioration de l'efficacité énergétique des processus dans nos usines constituent une autre étape nécessaire. Les carburants sont responsables d'environ un tiers des émissions totales. C'est pourquoi nous utilisons déjà aujourd'hui des carburants alternatifs pour plus de 70 % de nos besoins au Benelux, et nous souhaitons continuer à augmenter cette proportion. Les carburants alternatifs sont non seulement bénéfiques en termes d’émissions, mais ils valorisent également les flux qui, autrement, finiraient au rebut. »

EvoZero et le long chemin pour y parvenir

« Cependant, nous n'y parviendrons pas en nous concentrant uniquement sur l'optimisation de nos processus », ajoute Koenraad Staels, responsable du marketing et de la gestion des produits au Benelux. « Nous voulons séquestrer le CO2 résiduel – que les possibilités technologiques actuelles ne nous permettent pas encore d’éviter – grâce à la capture et au stockage du carbone (CSC). C'est actuellement la seule solution pour éviter les émissions de CO2 à court terme. D'ici 2030, nous souhaitons ainsi trouver une solution pour 10 millions de tonnes de CO2. Et ce tant qu'il n'y aura pas d'alternatives disponibles. »

« Mais il ne s’agit même plus d’une utopie », précise Koenraad Staels. « Il y a quelques mois, notre premier site de production utilisant la CSC à des fins commerciales a été mis en service à Brevik, en Norvège. C’est la première usine au monde capable de produire du ‘evoZero’. Il s'agit d'un ciment à zéro émission nette que nous commercialiserons effectivement dès ce mois-ci. Le chemin pour y arriver a été long. Les plans visant à équiper le site de production existant d'une installation de capture étaient déjà sur la table en 2005. L'idée de capturer le CO2 généré pendant le processus de production du ciment et de le stocker à long terme dans des gisements de gaz vides sous la mer était alors considérée comme irréaliste. Cela illustre bien le temps nécessaire pour réaliser des changements dans notre industrie. »

Les travaux de modification de l'usine ont finalement débuté en 2021. En mai de cette année, le CO2 a été capturé pour la première fois dans le cadre de la phase de démarrage. Le CO2 est séparé des gaz de combustion à l'aide de la technologie Amine (via des composés organiques azotés qui réagissent fortement avec le CO₂) et acheminé vers le port par des pipelines. De là, en collaboration avec Northern Lights, le gaz est chargé sur des navires et transporté en pleine mer pour y être pompé dans une couche rocheuse, à 2,6 kilomètres sous le niveau de la mer. « Autrement dit, on le renvoie là d'où il vient », explique K. Staels. « L'installation capturera et stockera 400.000 tonnes de CO2 par an. Cela correspond aux émissions de CO2 d'environ 500.000 tonnes de clinker produites. Mais bien sûr, nous devions d'abord avoir suffisamment de garanties que l'ensemble du processus se déroule en toute sécurité et que le CO2 ne puisse pas s'échapper du sous-sol. Ces garanties, nous les avons désormais. De plus, chaque étape est surveillée en permanence grâce au cadre réglementaire de la Commission européenne et du gouvernement norvégien. »


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Carbon Bank

Le transport du ciment sur de longues distances n'est pas idéal, car il pose également des problèmes de CO₂. L'usine de Brevik ne peut donc être qu'une solution régionale. « Pour étendre la disponibilité des avantages d'evoZero à toute l'Europe, nous avons toutefois développé un concept innovant », explique Koenraad Staels. « Pour le reste de l'Europe, nous souhaitons mettre en place une ‘banque carbone’. Pour chaque tonne de CO₂ capturée et stockée de manière permanente à Brevik, un certificat numérique sera créé via la technologie Blockchain. Cette chaîne de blocs garantira la transparence, la traçabilité et évitera les doubles emplois. Les entreprises de construction ou promoteurs immobiliers implantés ailleurs pourront ainsi acheter du ciment virtuellement neutre en CO₂. Ils utiliseront alors du ciment produit localement, tout en revendiquant la performance climatique de Brevik. Le système dissocie donc la chaîne de production physique des effets sur le climat, transposant ainsi le modèle de développement durable à l’échelle de toute l'Europe. Pour ce système virtuel, nous nous sommes inspirés de l'industrie électrique, qui fonctionne de manière comparable avec les certificats d'électricité verte. »

« Cela nous permet de proposer dès aujourd'hui du ciment evoZero à nos clients ici en Belgique, par exemple », explique Luc Staels. « L'impact du ciment net zéro sur le secteur de la construction est potentiellement énorme. L’analyse du cycle de vie d'un immeuble d'appartements standard de 6 étages montre que 40 % des émissions totales de CO₂ pendant le cycle de vie complet proviennent des matériaux de construction. Le béton est responsable de 20% de ces émissions. Comme quoi il suffit de rendre un seul produit neutre en CO2 pour accomplir déjà un pas de géant. »

Brevik n'est qu'un début. Heidelberg Materials possède en Europe plusieurs usines qui subissent une évolution similaire. Notre projet Anthemis prévoit d'équiper notre usine d'Antoing d'une installation de capture du carbone qui devrait être opérationnelle d'ici 2030. « Grâce aux nouvelles technologies, on parle déjà de 800.000 tonnes de CO2 qui seront capturées et stockées chaque année », annonce K. Staels.

Pas de plan directeur pour 2050

La transition vers la production d’un ciment durable s'accompagne d'investissements colossaux. « Cela vaut non seulement pour notre entreprise, mais aussi pour l'ensemble du secteur », explique Luc Van Camp. « Mais nous sommes convaincus que c'est la seule voie à suivre. Malgré tous les obstacles, la société et le marché sont de plus en plus conscients de la nécessité de cette transition et y sont de plus en plus favorables. De plus, la période d’amortissement de ces investissements est très longue, ce qui souligne la nécessité de mesures incitatives de la part des pouvoirs publics. Ceux-ci doivent continuer à jouer leur rôle. Selon nous, imposer des exigences de durabilité dans les appels d'offres publics serait par exemple une mesure facile à mettre en œuvre. Car tant qu'aucune exigence en matière de produits durables ne figurera dans les cahiers des charges, le béton classique pourra toujours être produit et utilisé. »

« La voie vers 2050 n'est pas toute tracée. Malgré les progrès que nous engrangeons, la transition qui est en train de s'opérer n’en est pas moins inédite. De nombreuses inconnues subsistent, car il n'existe aucun modèle qui nous mènera infailliblement à la neutralité du secteur. Les défis dépassent en effet le seul champ des investissements consentis dans nos usines. L'ensemble de la chaîne opérationnelle doit s’impliquer. En Belgique, par exemple, le réseau de transport du CO2 devrait encore être étendu. »


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